Introduction
L’autisme a longtemps été perçu comme une condition touchant principalement les hommes. Cette idée fausse repose sur des stéréotypes et des chiffres qui, bien que largement diffusés, ne reflètent pas la réalité. En effet, de plus en plus d’études montrent que les femmes sont souvent sous-diagnostiquées, et que leur autisme se manifeste de manière différente de celui des hommes. Cette sous-estimation entraîne un retard dans la prise en charge et, dans de nombreux cas, des conséquences néfastes sur la santé mentale des femmes autistes. Dans cet article, nous examinerons les spécificités de l’autisme chez les femmes, les raisons du sous-diagnostic et les moyens d’améliorer la détection chez les filles et les femmes.
I. L’autisme chez les femmes : une réalité sous-estimée
1. Le mythe de l’autisme comme condition masculine
L’une des idées reçues les plus répandues sur l’autisme est qu’il touche principalement les garçons. Ce stéréotype repose en partie sur les chiffres souvent cités dans les études, indiquant que le ratio d’hommes à femmes autistes est d’environ 4 pour 1. Cependant, ces statistiques sont trompeuses et ne tiennent pas compte de la manière dont l’autisme se manifeste différemment chez les femmes, ni des biais qui influencent le processus de diagnostic. Ces biais, profondément ancrés dans les critères diagnostiques, conduisent à une sous-estimation de la prévalence de l’autisme chez les femmes.
2. Les spécificités de l’autisme chez les femmes
Contrairement aux hommes autistes, dont les comportements peuvent être plus facilement reconnaissables, les femmes autistes ont tendance à présenter des symptômes plus subtils. Elles peuvent, par exemple, éviter les comportements répétitifs visibles et avoir des intérêts spécifiques qui sont socialement plus acceptables. Ces intérêts, bien qu’intenses, passent souvent inaperçus car ils correspondent à des activités considérées comme normales voire encouragées.
Parmi ces intérêts, on peut citer l’écriture, où certaines femmes autistes développent une passion pour la rédaction de journaux, d’histoires ou de poésie, un passe-temps souvent valorisé. Un autre exemple est l’intérêt pour les livres ou la lecture, avec parfois une fascination pour des genres littéraires très spécifiques, ce qui est perçu comme un comportement intellectuel plutôt que comme un signe d’autisme. De même, une fascination pour les animaux (chiens, chats, chevaux, etc.) peut être vue positivement et ne suscite pas la même attention qu’un intérêt plus stéréotypé.
Les arts créatifs comme la peinture, le dessin ou la musique sont également des intérêts valorisés dans la société, ce qui peut masquer leur intensité obsessionnelle chez certaines femmes autistes. De plus, des centres d’intérêt comme la mode, le maquillage ou encore un engouement pour les célébrités ou séries télévisées peuvent sembler courants, mais chez certaines femmes autistes, ces activités prennent la forme d’une véritable obsession. Toutefois, comme ces comportements sont considérés comme socialement normaux, ils passent souvent sous le radar lors du diagnostic.
Ces différences dans la présentation des symptômes et la capacité à masquer leurs difficultés sociales contribuent au sous-diagnostic des femmes autistes, retardant ainsi leur accès aux soutiens appropriés.
II. Pourquoi l’autisme est-il sous-diagnostiqué chez les femmes ?
1. Des critères de diagnostic centrés sur les hommes
Les critères diagnostiques de l’autisme ont été historiquement élaborés à partir d’études effectuées principalement sur des garçons. Par conséquent, les manifestations typiques de l’autisme telles que les stéréotypies ou les intérêts restreints ont été définies à partir de comportements plus fréquents chez les hommes. Ces critères ne capturent pas pleinement la manière dont l’autisme se manifeste chez les femmes, qui peuvent, par exemple, avoir des intérêts spécifiques moins visibles (comme l’écriture ou les animaux) et développer des stratégies pour compenser leurs difficultés sociales.
2. Le rôle du camouflage et de l’adaptation sociale
Le camouflage social est une stratégie que de nombreuses femmes autistes adoptent pour s’adapter aux attentes de la société neurotypique. Cela consiste à imiter des comportements sociaux qu’elles observent chez les autres, à masquer leurs difficultés et à éviter de révéler leur différence. Ce camouflage peut inclure des efforts pour participer à des conversations, maintenir le contact visuel ou réprimer des comportements répétitifs. Contrairement à certains hommes autistes qui peuvent afficher plus ouvertement des comportements typiques de l’autisme, de nombreuses femmes réussissent à « passer inaperçues » en société, au prix d’un effort considérable.
Toutefois, cette capacité à dissimuler leurs difficultés entraîne souvent un épuisement émotionnel et mental. En effet, maintenir ce camouflage demande une énergie constante, ce qui peut entraîner des périodes de shutdown ou de meltdown. Un shutdown survient lorsque la personne autiste se retire complètement du monde extérieur, se refermant sur elle-même en raison de la surcharge émotionnelle. Elle peut alors paraître absente, incapable de répondre ou d’interagir avec les autres. Le meltdown, quant à lui, se manifeste par une crise explosive, due à une surcharge sensorielle ou émotionnelle, qui peut se traduire par des pleurs, des cris ou un comportement désorganisé.
Ces crises sont particulièrement fréquentes chez les femmes autistes qui pratiquent le camouflage social, car elles accumulent une grande fatigue liée à l’effort constant d’adaptation. Malheureusement, ce camouflage peut aussi retarder le diagnostic, car l’apparente « normalité » des comportements en surface masque la réalité intérieure de leurs difficultés.
3. Les conséquences du sous-diagnostic
Le sous-diagnostic de l’autisme chez les femmes entraîne souvent des retards dans l’accès aux soutiens appropriés, tant dans le domaine de l’éducation que des soins de santé. En conséquence, de nombreuses femmes autistes finissent par souffrir de problèmes de santé mentale tels que l’anxiété, la dépression, voire des troubles alimentaires. Ces troubles sont souvent mal diagnostiqués, les professionnels de santé cherchant parfois à traiter ces symptômes sans comprendre la cause sous-jacente, qui est l’autisme non détecté.
III. Améliorer la détection de l’autisme chez les femmes
1. Adapter les critères diagnostiques
Pour améliorer la détection de l’autisme chez les femmes, il est essentiel d’adapter les critères de diagnostic afin de prendre en compte les spécificités de leur condition. Les outils diagnostiques doivent évoluer pour inclure des manifestations moins visibles de l’autisme, comme le camouflage social ou les intérêts moins stéréotypés. Plusieurs chercheurs et cliniciens commencent déjà à développer des outils plus inclusifs qui tiennent compte de ces différences.
2. Former les professionnels de santé et de l’éducation
Une formation spécifique des professionnels de santé et des éducateurs est cruciale pour mieux identifier l’autisme chez les femmes. Il est essentiel que ces professionnels soient sensibilisés aux signes plus subtils de l’autisme et qu’ils soient capables de distinguer les comportements compensatoires des signes typiques d’autres troubles. Des campagnes de sensibilisation doivent également être mises en place pour informer le public sur ces spécificités.
3. Encourager les familles et les éducateurs à observer des signes précoces
Les parents et les éducateurs jouent un rôle clé dans la détection précoce de l’autisme chez les filles. Les comportements à surveiller incluent l’isolement social, des intérêts spécifiques inhabituels ou le recours fréquent au camouflage social. Il est important de maintenir un dialogue ouvert avec les enfants afin de comprendre les difficultés qu’elles peuvent rencontrer. Plus le diagnostic est posé tôt, plus l’enfant pourra bénéficier d’un soutien approprié pour son développement.
Conclusion
L’autisme chez les femmes reste encore largement sous-diagnostiqué, en partie à cause de stéréotypes persistants et de critères de diagnostic inadaptés. En reconnaissant les spécificités de l’autisme féminin, nous pouvons améliorer la détection, offrir un soutien plus précoce et prévenir les problèmes de santé mentale associés au sous-diagnostic. Il est essentiel de continuer à sensibiliser les professionnels de santé, les éducateurs et les familles pour garantir que chaque femme autiste puisse être reconnue et soutenue de manière appropriée.