Le monde médical a longtemps cru que les personnes présentant des troubles autistiques ne ressentaient pas ou peu la douleur. Cette croyance vient pourtant d’être mis à mal par une étude israélienne menée par le Dr Tami Bar-Shalita de la Faculté de médecine Sackler de l’Université de Tel-Aviv en collaboration avec le Dr Yelena Granovsky du Technion et du centre médical Rambam.
En effet, l’étude a révélé que non seulement ils ressentent plus intensément la douleur mais aussi que leur résistance à celle-ci est plus faible.
Il paraît donc souhaitable de déterminer quelles sont les maux les plus fréquents en cas d’autisme, comment les prendre en charge et détecter leur existence et leur intensité notamment chez les personnes avec TSA non verbales.
I/ Quelles sont les douleurs les plus fréquentes chez les autistes et comment les prendre en charge ?
Parmi les maux qui reviennent le plus chez les individus atteints d’autisme on en retrouve surtout trois : abdominaux, dentaires et maux de tête.
Les douleurs abdominales peuvent certainement être imputées à un microbiote intestinal altéré fragilisant la paroi intestinal. On note d’ailleurs chez de nombreux autistes des troubles intestinaux tels que ballonnements, flatulence, diarrhées, constipation ou alternance des deux. Attention, elles peuvent révélatrices d’une urgence absolue comme une appendicite ou une occlusion intestinale et ne sont donc pas à prendre à la légère.
Les maux de tête peuvent être de deux types : les céphalées qui peuvent être la résultante d’une cause (exemple : un choc, une forte chaleur) ou intervenir en l’absence d’une raison apparente et les migraines qui sont une maladie chronique se manifestant de manière régulière et souvent déclenchée par une cause qui peut être variable selon les personnes (exemple : chaleur ou froid intense, certains aliments comme le chocolat, la charcuterie, les règles, …). Les maux de tête peuvent être particulièrement sévères chez certains autistes au point que certains ne peuvent tout simplement pas mener leurs activités habituelles. Il est donc essentiel de pouvoir les repérer et identifier leurs causes afin d’améliorer la qualité de vie des personnes avec autisme.
Les douleurs dentaires sont aussi très fréquentes d’où l’importance d’un suivi régulier chez le dentiste pour s’assurer de l’absence de caries. Elles sont parfois évidentes à détecter notamment si la personne se tient la joue, grince des dents alors qu’elle ne le faisait jamais auparavant ou a tendance à mordre souvent des objets. Devant de tels signes, il est recommandé de consulter dans les plus brefs délais.
Par ailleurs, une autre étude a démontré que les autistes sont deux fois plus susceptibles que les personnes neurotypiques de développer des douleurs chroniques. Elles pourraient d’ailleurs être exacerbées par les sensibilités sensorielles et les troubles gastro-intestinaux fréquemment observés chez les personnes atteintes de TSA. Cette étude a été menée en 2016-2017 sur 50063 enfants âgés de 6 à 17 ans dont 1472 avec autisme. En cas de comorbidité (exemple : épilepsie) associée à l’autisme la prévalence des douleurs chroniques s’avère encore plus élevée.
II/ Comment détecter la présence de la douleur chez les autistes et évaluer son intensité ?
Tout d’abord l’observation reste le premier moyen de détection. Chez un enfant verbal, même s’il ne sait pas exprimer sa douleur comme toute personne neurotypique, il sera cependant en mesure de dire qu’il a mal et où.
Chez une personne non verbale, cela est plus compliqué à déterminer.
Cependant, des grilles d’évaluation permettent de poser un diagnostic plus ou moins fiable.
Parmi les méthodes d’évaluation de la douleur, on retrouve :
- l’observation : elle est essentielle. Si vous constater chez la personne autiste (qu’elle soit enfant ou adulte) un changement de comportement (agitation, agressivité, prostration, adoption d’une posture particulière, …) le recours à une grille d’évaluation pourra alors vous aider à déterminer si la personne présente effectivement une douleur,
- l’échelle DESS (Douleur Enfant San Salvadour, élaborée par l’hôpital San Salvadour de Hyères) est une grille utilisée en milieu hospitalier permettant d’évaluer dans le temps la présence et l’intensité de la douleur chez les patients atteints de polyhandicap (et notamment d’autisme)
- l’échelle Algoplus est un outil d’évaluation de la douleur chez les personnes âgées présentant des troubles de la communication. Elle peut être complétée par l’échelle Doloplus qui est un outil d’évaluation comportementale de la douleur chez la personne âgée.
- La grille GED-DI est un outil conçu spécialement pour l’évaluation de la douleur chez les personnes atteintes de TSA
- La liste de contrôle de la douleur des adultes non communicants (NCAPC) permet d’évaluer la douleur chez les adultes non verbaux
- il est également possible devant un enfant ayant des capacités de compréhension suffisante de recourir à des pictogrammes où il peut montrer l’intensité de sa douleur (exemple : une bande sur laquelle sont dessinés des visages allant de très content à très triste ou bien pour les enfants reconnaissant les chiffres une bande chiffrée).
Tous ces outils sont une aide permettant de mieux prendre en charge la douleur et leur recours devrait être plus généralisé notamment en milieu hospitalier mais aussi dans les établissements accueillant les personnes présentant des troubles autistiques afin de mieux la prendre en charge et d’améliorer les soins prodiguées aux personnes autistes.