Il est largement reconnu que la scolarisation des autistes en France est encore très déficitaire, nous l’avions déjà évoqué dans l’article consacré à la scolarisation des autistes.
On estime (les chiffres précis sont difficiles à obtenir compte tenu du manque de remontées auprès des organismes statistique) qu’il pourrait y avoir jusqu’à 80 % d’autistes sans solution de scolarisation ou tout au moins une scolarisation à temps très partiel (moins de 6h par semaine).
Le constat est particulièrement important en ce qui concerne le milieu institutionnel pour lequel il n’existe pas suffisamment une culture de la scolarisation.
Quelle est l’évolution de la scolarisation des autistes en France ? Comment sont ils scolarisés ou pas ? Quelles sont les avancées nécessaires pour leur permettre d’acquérir les savoirs fondamentaux nécessaires à leur inclusion de la société ? Quels modèles de scolarisation ont été adoptés chez nos voisins européens ? Peut-on s’en inspirer ?
I/ La scolarisation en milieu ordinaire
Il est difficile d’évaluer très précisément le nombre d’autistes accueillis en école ordinaire les statistiques de l’Éducation Nationale ne faisant pas référence à l’autisme spécifiquement.
Les données spécifiques sur la scolarisation des enfants autistes en milieu ordinaire en France peuvent varier d’une année à l’autre et sont généralement collectées et publiées par le ministère de l’Éducation nationale et d’autres organismes gouvernementaux.
Cependant, voici quelques données recueillies jusqu’en septembre 2021 (il semblerait que les chiffres n’aient que très peu évolués depuis) :
Taux de scolarisation en milieu ordinaire : Le taux de scolarisation des enfants autistes en milieu ordinaire varie en fonction des régions de la France. En 2020, le taux de scolarisation moyen était estimé à environ 20%. Cependant, ce chiffre peut être plus élevé dans certaines régions où des efforts spécifiques ont été déployés pour favoriser l’inclusion.
Accompagnement : Les enfants autistes scolarisés en milieu ordinaire peuvent bénéficier d’un accompagnement individualisé en fonction de leurs besoins. Cela peut inclure la présence d’un accompagnant d’élève en situation de handicap (AESH) pour aider l’enfant dans sa scolarité.
Projets personnalisés : Pour les enfants autistes, des projets personnalisés sont souvent mis en place en collaboration avec l’équipe éducative, les parents et les professionnels de la santé. Ces projets visent à adapter l’enseignement et le soutien pour répondre aux besoins spécifiques de chaque enfant.
Sensibilisation des enseignants : Des formations sont proposées aux enseignants pour les sensibiliser à l’autisme et leur fournir des outils pour accompagner au mieux les élèves autistes en classe.
Il est important de noter que ces données sont générales et peuvent varier considérablement en fonction des régions, des écoles et des situations individuelles.
II/ La scolarisation en classes spécialisées (ULIS, UEMA, UEEA, DAR,…)
Au sein des classes spécialisées destinées à l’accueil des enfants autistes, telles que les Unités Localisées pour l’Inclusion Scolaire (ULIS) et les Unités d’Enseignement en Maternelle Autisme (UEMA), l’objectif principal est de fournir un environnement éducatif adapté aux besoins spécifiques de chaque élève.
En général, ces classes sont conçues pour accueillir un nombre limité d’enfants autistes, ce qui permet un encadrement plus individualisé. Le nombre d’enfants accueillis peut varier d’une unité à l’autre, mais en moyenne, une ULIS peut accueillir entre 6 et 10 élèves.
Les enseignants et le personnel éducatif de ces classes spécialisées reçoivent une formation spécifique pour travailler avec des enfants autistes.
Des aménagements sont réalisés pour répondre aux besoins de communication, de socialisation, et d’apprentissage, tels que la mise en place de supports visuels, de routines structurées, et d’activités sensorielles.
En outre, des professionnels de la rééducation (orthophonistes, psychologues, etc.) peuvent être présents pour fournir un soutien thérapeutique. Ces classes spécialisées visent à favoriser le développement global des enfants autistes et à les préparer à une éventuelle intégration dans des classes ordinaires lorsque cela est possible et souhaité.
Les chiffres sont susceptibles d’évoluer mais voici quelques données obtenues :
Nombre d’Unités Localisées pour l’Inclusion Scolaire (ULIS) : En France, il existe un grand nombre d’ULIS réparties dans les écoles primaires et secondaires. Le nombre exact d’ULIS peut varier d’une année à l’autre en fonction des besoins locaux. La France compte à l’heure actuelle (tout handicaps confondus) 10272 ULIS. Leur implantation géographique reste très inégale allant de 13 à 57 ULIS pour 1000 élèves suivant le département.
Nombre d’Unités d’Enseignement en Maternelle Autisme (UEMA) : Les UEMA sont spécifiquement dédiées aux enfants autistes en maternelle. À l’heure actuelle on compte 286 UEMA en France.
Unités d’Enseignement en Élémentaire Autisme (UEEA) : Les UEEA sont conçues pour accueillir les enfants autistes en école primaire. En général, le nombre d’UEEA peut varier d’une région à l’autre. On estime à environ 99 le nombre d’UEEA en France.
Dispositifs d’autorégulation (DAR) : Les DAR sont des dispositifs destinés à accompagner et à réadapter les enfants autistes en milieu scolaire. Ils permettent à l’enfant d’acquérir des savoirs fondamentaux tout en aménageant l’environnement pour lui permettre d’apprendre à réguler ses émotions c’est à dire que l’environnement de la classe lui permet de s’isoler s’il en ressent le besoin pour lui permettre de mieux contrôler ses émotions, évacuer un trop plein de tension suite à une stimulation sensorielle trop intense et ainsi éviter l’apparition de troubles du comportement. Mais ce dispositif ne compte malheureusement que 26 classes sur tout le territoire.
III/ Scolarisation en milieu institutionnel
S’il y a bien un secteur où la scolarisation des autistes pose encore problème il s’agit bien de la prise en charge en institution.
En effet, les enfants qui y sont accueillis ne bénéficient que d’une scolarité à temps partiel (voire très partiel c’est à dire moins de 6h par semaine) ou pas du tout.
La scolarisation des enfants autistes accueillis en milieu institutionnel en France peut prendre deux formes principales : l’Unité d’Enseignement (UE) interne et l’UE externalisée.
Dans le cadre d’une UE interne, les enfants autistes sont scolarisés au sein même de l’établissement spécialisé qui les accueille, qu’il s’agisse d’un institut médico-éducatif (IME) ou d’un établissement médico-social. Cette approche permet une prise en charge globale des besoins de l’enfant, alliant l’éducation, les soins médicaux, et l’accompagnement thérapeutique au sein d’un environnement adapté.
D’autre part, l’UE externalisée implique que l’enfant autiste soit scolarisé dans une école ordinaire, tout en bénéficiant d’un accompagnement spécialisé provenant de l’établissement médico-éducatif.
Cette forme de scolarisation vise à favoriser l’inclusion sociale en permettant à l’enfant de fréquenter une école régulière tout en recevant un soutien personnalisé pour répondre à ses besoins spécifiques.
Dans les deux cas, l’objectif est de fournir une éducation adaptée et individualisée pour favoriser le développement de l’enfant autiste, en prenant en compte ses compétences, ses besoins et ses particularités. Les éducateurs et les professionnels de la santé travaillent en étroite collaboration pour offrir un environnement stimulant et bienveillant, visant à maximiser le potentiel de chaque enfant au sein de la structure institutionnelle choisie.
Cependant certains IME n’assurent aucune scolarisation et se contente d’effectuer une prise en charge exclusivement occupationnelle.
L’enfant n’acquiert alors aucun savoir lui permettant de s’insérer dans la société et se retrouve ainsi condamner à ne pouvoir quitter le milieu institutionnel faute d’avoir les clés pour accéder à une autonomie suffisante.
Les professionnels de ces établissements se targueront certainement qu’ils sont des structures de soins et que par conséquent ils prennent soin des enfants qui leurs sont confiés mais il est essentiel de se rappeler que l’éducation est aussi un soin.
Rappelons également que la scolarisation est obligatoire pour l’ensemble des enfants de 3 à 16 ans. Cette obligation vaut également pour tout enfant en situation de handicap.
Un autiste se doit d’être considéré comme une personne à part entière et ne peut être privé d’un de ses droits élémentaires : celui de l’éducation.
La situation scolaire des autistes en IME mérite que l’on s’attarde un peu sur la différence entre les UE internes et externalisée.
En effet dans ces dernières le nombre d’heures allouées aux apprentissages fondamentaux y est largement plus élevé les enfants y étant accueillis jusqu’à 4 demi journées par semaine soit 12h hebdomadaires.
Cela peut sembler peu mais il est essentiel de considérer qu’il s’agit bien là d’une avancée puisqu’au sein des UE interne les enfants ne bénéficient qu’au maximum de 1h30 d’enseignement quatre fois par semaine (c’est à dire au plus 6h par semaine). Comment peut on penser qu’avec un nombre d’heures aussi restreint l’enfant puisse accéder à la lecture, aux compétences de base en mathématiques (opérations arithmétiques, notion de géométrie, apprentissage de la lecture de l’heure) essentielles pour être autonome dans la société (savoir payer et vérifier sa monnaie, gérer un budget, lire un plan pour se déplacer, …).
IV/ Quelques exemples de scolarisation des autistes chez nos voisins européens
1) L’Italie
En Italie, tous les enfants en situation de handicap vont à l’école. Ils peuvent bénéficier d’un accompagnement individualisé par un enseignant spécialisé qui vient en soutien à l’enseignant de la classe. Un accompagnement pluridisciplinaire peut même être mis en place au sein de l’école.
L’Italie a choisi depuis les années 70 de mener un programme de désinstitutionnalisation sous l’impulsion notamment d’un psychiatre, le Dr Franco Basaglia. Le droit à la scolarisation des enfants en situation de handicap est largement encadré par la loi si bien que la quasi-totalité des enfants handicapés âgés de 6 à 14 ans (âge d’obligation scolaire) fréquente l’école. En 2003, l’Italie est même allée encore plus loin. Si l’instruction demeure une obligation jusqu’à l’âge de 14 ans, la formation a été rendue obligatoire pour tous jusqu’à 18 ans grâce à la loi Moratti garantissant ainsi l’inclusion professionnelle des personnes handicapés en général et des autistes en particulier.
2) L’Espagne
Le modèle italien a également permis à d’autres pays tels que l’Espagne d’adopter un système plus ou moins similaires avec la mise en place des éléments suivants :
Inclusion scolaire : L’Espagne encourage l’inclusion scolaire des enfants autistes dans les écoles régulières (centros ordinarios). Les élèves autistes ont le droit d’être scolarisés dans des écoles ordinaires, avec un accompagnement et un soutien adaptés à leurs besoins spécifiques.
Équipes d’appui et de suivi : Les élèves autistes peuvent bénéficier du soutien d’équipes d’appui et de suivi éducatif (Equipos de Apoyo y Orientación Educativa y Psicopedagógica) composées de professionnels de l’éducation spécialisés dans l’autisme. Ces équipes travaillent en collaboration avec les enseignants pour élaborer des plans d’intervention individualisés (Plan de Atención a la Diversidad) visant à répondre aux besoins éducatifs spécifiques de chaque enfant.
Classes spéciales et Unités d’Éducation Spéciale : En Espagne, il existe des classes spéciales (Aulas de Enseñanza Especial) et des Unités d’Éducation Spéciale (Unidades de Educación Especial, UEE) destinées à accueillir les élèves ayant des besoins spécifiques, y compris les enfants autistes. Ces classes sont conçues pour fournir un environnement éducatif adapté.
Plan d’Éducation Individualisé (PEI) : Les élèves autistes peuvent avoir un Plan d’Éducation Individualisé (PEI) qui spécifie les objectifs éducatifs et les adaptations nécessaires pour chaque enfant. Le PEI est élaboré en collaboration avec les enseignants, les professionnels de la santé et les parents.
Soutien des professionnels de la santé : Les enfants autistes en Espagne peuvent également bénéficier de services de rééducation et de thérapie, tels que l’orthophonie et la psychomotricité, qui peuvent être intégrés dans leur parcours éducatif.
3) La Suède
Le modèle suédois a lui aussi rendu l’inclusion scolaire obligatoire et en a fait la norme. Voici le modèle qu’il propose :
Scolarisation en milieu ordinaire : L’intégration en milieu ordinaire est privilégiée en Suède. Les enfants autistes ont le droit d’être scolarisés dans des écoles régulières (grundskola) avec des supports et des adaptations pour répondre à leurs besoins spécifiques.
Stödskola : En Suède, il existe également des Stödskola, qui sont des écoles spéciales d’appui. Ces écoles peuvent accueillir temporairement les élèves autistes ou ayant d’autres besoins spécifiques, mais l’objectif est généralement de favoriser leur retour dans des écoles régulières.
Individualiser les programmes éducatifs : Les élèves autistes bénéficient de programmes éducatifs individualisés, élaborés en étroite collaboration avec les enseignants, les parents et, le cas échéant, des professionnels de la santé et de l’éducation spécialisée. Ces programmes visent à répondre aux besoins spécifiques de chaque enfant en termes d’apprentissage, de communication et de socialisation.
Équipe de soutien : Les enfants autistes peuvent être accompagnés par une équipe de soutien qui peut inclure des professionnels de la santé, des éducateurs spécialisés, et d’autres experts. Cette équipe travaille en étroite collaboration avec l’école et la famille pour assurer un environnement d’apprentissage favorable.
Adaptations environnementales : Les écoles suédoises peuvent mettre en place des adaptations environnementales, telles que des salles calmes ou des outils de communication alternatifs, pour répondre aux besoins des élèves autistes.
L’approche suédoise met l’accent sur l’individualisation et l’inclusion, visant à offrir une éducation de qualité à tous les élèves, y compris ceux avec des besoins spécifiques comme les enfants autistes. Il convient de noter que les pratiques peuvent varier en fonction des municipalités et des écoles en Suède, mais le principe de l’inclusion est une caractéristique centrale du système éducatif suédois.
4) Le Royaume-Uni
Au Royaume-Uni, la scolarisation des enfants autistes est également réglementée par la loi, et l’approche peut varier en fonction des pays constitutifs du Royaume-Uni (l’Angleterre, l’Écosse, le pays de Galles et l’Irlande du Nord). Voici un aperçu général de la scolarisation des enfants autistes au Royaume-Uni :
Scolarisation en milieu ordinaire : L’inclusion scolaire est encouragée au Royaume-Uni. Les enfants autistes ont le droit d’être scolarisés dans des écoles régulières, et cela est généralement favorisé chaque fois que cela est possible et approprié à leurs besoins. Cependant, la mise en œuvre de cette politique peut varier en fonction de la région et des autorités locales.
Classes de ressources et unités spéciales : Dans certaines écoles ordinaires, il peut y avoir des classes de ressources spéciales ou des unités spéciales pour les enfants autistes ou ayant des besoins spécifiques. Ces classes sont conçues pour fournir un environnement d’apprentissage plus adapté.
Plan d’Éducation, de Santé et de Soin (EHC Plan) : Au Royaume-Uni, les enfants autistes peuvent avoir un Plan d’Éducation, de Santé et de Soin (EHC Plan) qui définit leurs besoins éducatifs spécifiques et les soutiens nécessaires. Ce plan est élaboré en collaboration avec les parents, les enseignants et les professionnels de la santé.
Soutien des professionnels de la santé : Les enfants autistes peuvent bénéficier de services de rééducation et de thérapie, tels que l’orthophonie et l’ergothérapie, qui peuvent être intégrés dans leur parcours éducatif.
Éducation spécialisée : Dans certains cas, lorsque les besoins d’un enfant autiste sont particulièrement complexes, il peut être recommandé de le scolariser dans une école spécialisée pour enfants atteints de troubles du spectre autistique (TSA) ou de handicaps similaires.
Il est important de noter que les politiques éducatives et les pratiques peuvent varier entre les pays constitutifs du Royaume-Uni. Les parents d’enfants autistes peuvent également faire appel à des organisations de soutien pour obtenir des conseils et un soutien supplémentaire pour naviguer dans le système éducatif.
EN CONCLUSION :
Ces pays ont réussi à engager un tournant dans la scolarisation des autistes en prônant une inclusion (pouvant revêtir un caractère obligatoire) en école ordinaire depuis déjà de nombreuses années. Leur réussite dans l’inclusion des enfants présentant un TSA devrait susciter l’intérêt de la France à élaborer un système plus adapté permettant l’autonomisation et l’insertion de tout autiste au sein de la société.